« L’organisation n’a pas de culture, l’organisation est une culture »

 

Cette formule d’Edgar Schein permet d’introduire sous différents angles de vue un sujet que l’on sait pertinent et important sans véritablement comprendre de quoi il s’agit. Car si la culture d’entreprise représente un enjeu crucial, elle constitue probablement dans le même temps l’une des notions les plus difficile à appréhender.

Il est vrai qu’au départ, le concept se montre relativement vague, générant dans les conversations courantes un mélange de notions qui n’ont rien à voir les unes avec les autres.

Nous observons alors l’émergence de nouveaux concepts au travers desquels la culture d’entreprise s’obtiendrait comme par magie grâce à divers outils tels que le babyfoot, la salle de sport, la retransmission des matchs de foot sur le lieu de travail ou de nouvelles fonctions telles que le chief happiness officer.

Un certain nombre de personnes semblent en effet réduire la culture d’entreprise à quelques signes extérieurs et penser qu’en copiant Google ou Facebook cela permettra de booster la créativité de leurs collaborateurs et de libérer la confiance des managers.

Mais s’il suffisait de rajouter un babyfoot, des poufs colorés ou des locaux accueillants pour améliorer l’engagement et accroître la créativité des collaborateurs, cela se saurait !!

Nous observons de la même façon que l’on attribue régulièrement l’échec d’une fusion-acquisition à la culture d’entreprise. Bien que cette raison soit tout à fait valable et fréquente, il apparaît malheureusement que dans de nombreux cas ce motif ne soit utilisé que parce que l’on ne sait pas pourquoi cela n’a pas fonctionné.

Une façon de se justifier en cachant la poussière sous le tapis !

Le concept de culture finit par être attribué à un peu tout et n’importe quoi, notamment à ce que l’on n’arrive pas à expliquer ou à comprendre. A chaque fois que nous n’aurons pas pu ou pas su éclaircir par des analyses traditionnelles les raisons d’un échec, nous affirmerons alors que c’est de la faute de la culture.

N’est-ce pas affligeant de voir ce concept si puissant et si important totalement dévoyé, perverti au point de lui faire perdre sa légitimité et son authenticité ?

La culture c’est un peu comme pour les accents. Il y a l’accent pyrénéen, l’accent méditerranéen, l’accent breton etc… On l’utilise quotidiennement sans y faire attention, sans s’en apercevoir. L’accent on l’a appris, on ne s’en souvient pas, c’est quelque chose qui nous dépasse et qui pourtant fonde notre identité.

On ne sait pas toujours ce qui est lié à notre éducation, à nos croyances, à nos habitudes, à notre histoire ou encore à nos schémas idéologiques tels que le rôle des hommes et des femmes dans la société.

Mais la culture d’entreprise n’est pas un concept poubelle destiné à ranger tout ce que l’on ne comprend pas ou tout ce que l’on ne sait pas expliquer !

 

Parce que la culture se reflète dans nos façons de réagir face à des situations, dans nos modes de pensées, dans nos prises de décisions, dans le contenu même des décisions, dans les outils qui ont été développés mais aussi dans les choix stratégiques des organisations.

Il est donc primordial d’essayer de décoder les rationalités partagées derrière des comportements, même si et surtout si, ces rationalités ne sont pas conscientes et n’ont jamais été prises en compte par les acteurs eux-mêmes.

Ce qui est vraiment important dans la culture, c’est que les collaborateurs et surtout les managers font.

Pas la couleur du sofa ou la taille du babyfoot !

Car derrière la culture, il y a bien tous ces éléments très concrets autour des décisions, autour des comportements, autour des façons de faire qui représentent un enjeu managérial dont il faut se saisir.

Dans un moment où la nécessité d’une transformation organisationnelle apparaît souvent comme une obligation, lorsque l’on pense culture, on pense aussi changement, au plutôt résistance au changement.

La culture est souvent alors évoquée comme le premier facteur de résistance au changement.

Mais si cette dernière peut apparaitre comme un frein au changement, elle représente également un levier de transformation. Depuis très longtemps la mutation des organisations s’est appuyée sur l’évolution de la culture d’entreprise pour mener à bien ses projets de transformation.

Remettons alors ce concept à son juste niveau afin de le réintroduire dans nos plans d’actions.

Car l’intérêt de la culture est d’inscrire le temps long dans la vie des organisations et de reconnaître l’existence d’une institution au-delà de ses membres. Elle permet de remettre du temps dans un monde qui a tendance à raisonner de façon trop instantanée, au rythme des publications de résultat, sans se soucier des effets à plus long terme des choix réalisés à l’instant T.

Et si la culture représentait finalement un socle de résilience permettant d’évoluer sans crainte vers le monde de demain grâce à des valeurs fortes véritablement ancrées et incarnées.

Et vous qu’en pensez-vous ?

 

Sabine DRUJON

Président de la société VALUES & SENSE