Les valeurs peuvent-elles être le point de départ d’une démarche de transformation réussie ?

Etoile montante de l’innovation, Nokia était, encore en 2007, une entreprise admirée, encensée et promise à un avenir radieux. Elle vantait alors l’efficacité de ses valeurs : Nokia: Values That Make a Company Global. En seulement cinq ans, le destin de l’entreprise a basculé. Etouffée sous des couches managériales devenues arrogantes, ses « belles valeurs » ne l’ont pas empêché de tomber violemment de son piédestal et de voir les consommateurs lui tourner le dos.

Nombre d’entreprises affichent encore aujourd’hui, leurs valeurs, comme un vernis de communication. Elles ne réalisent pas que le temps finit par les rendre inertes car personne ne sachant plus véritablement ce qu’elles apportent, elles finissent par être ignorées.

Pour que les valeurs soient plus que des slogans vides, elles doivent résister à l’épreuve du feu en guidant les comportements et les prises de décision aux moments les plus difficiles. « L’éthique, c’est ce qui gouverne vos actions lorsque personne ne vous regarde » indiquait Eliane Houlette (procureur national financier) et c’est souvent au moment même où elles sont les plus difficiles à appliquer, qu’elles importent le plus.

Les valeurs entrepreneuriales n’ont rien à voir avec une forme de consensus. Elles imposent un ensemble de croyances fondamentales et stratégiquement solides qui forgent la culture de l’entreprise. Elles sont l’âme du management et non pas son outil. Les managers qui dirigent par l’exemple gèrent en général mieux leurs risques que ceux qui se contentent seulement de parler d’éthique, de systèmes de valeurs ou de codes de conduite.

Les hommes ont besoin de donner du sens à leurs actions pour se sentir engagés. Et ce qui donne du sens, c’est ce en quoi l’on croit. C’est ce filtre à travers lequel nous percevons « notre » réalité qui engagera alors notre futur.

 

Du management par la règle au management par les valeurs

Dans un monde incertain, en perpétuelle évolution, dans lequel flexibilité et innovation deviennent les facteurs clefs du succès, les différentes règles, procédures, descriptions de postes, … peuvent s’avérer rapidement inadaptées. Le management des risques, rivé sur les valeurs de l’entreprise pour la prise de décision, devient alors culturel.

« Plus que toutes les règles, la culture définit les comportements au sein d’une organisation » souligne Warren Buffet.

Il s’agit de préférer l’entreprise gérée par ses vraies valeurs plutôt que l’entreprise gérée par ses mauvaises règles comme le préconise Jacques Horovitz, auteur de « l’Entreprise humaniste ».

Manager par les valeurs consiste donc à recréer les conditions du « travailler ensemble » et à construire une intelligence partagée du travail. Le rôle du dirigeant n’étant plus de commander et d’ordonner mais de conduire son équipe vers l’atteinte d’objectifs stratégiques, organisationnels et personnels.

 

Le contrôle par les valeurs/la culture

Jusqu’au siècle des Lumières, le contrôle par la tradition est présenté comme le principal système de domination non violent fondé sur « la sagesse des ancêtres et les coutumes vénérées de l’Antiquité ». Deux cents ans plus tard, en 1979, William Ouchi, auteur de « Organizational Culture », considère que les leviers pour contrôler une organisation sont limités aux résultats ou aux comportements des employés.

« Sème un acte, tu récolteras une habitude. Sème une habitude, tu récolteras un caractère. Sème un caractère, tu récolteras une destinée ». Dalaï Lama

 

Les valeurs pour accompagner le changement

Lorsque la question du changement stratégique se pose, il faut d’abord identifier quel type de transformation correspond à la situation. Il convient ensuite d’apprécier si le changement peut s’inscrire dans la culture actuelle, notamment dans la culture du risque de l’entreprise.

En comparant les valeurs fondamentales et les valeurs auxquelles on aspire, on peut évaluer les écarts existants entre la culture actuelle et la culture cible et réfléchir à la manière, concrète, de le réduire.

La « théorie des valeurs » de Patrick Lencioni distingue ainsi les valeurs fondamentales et les valeurs d’aspiration.

  • Les valeurs fondamentales correspondent aux principes profondément enracinés qui guident aujourd’hui et depuis plusieurs années les actions d’une entreprise. Elles servent de piliers à la culture. Ces valeurs peuvent révéler la spécificité d’une entreprise – son identité de marque et d’employeur.
  • Les valeurs d’aspiration sont les valeurs dont l’entreprise a besoin pour réussir son projet stratégique. Elles peuvent éventuellement manquer aujourd’hui. Il faudra alors les développer afin d’accompagner le succès du plan stratégique.

Dans cette perspective, les valeurs deviennent bien plus qu’un corpus de pratiques affichées ou qu’un référentiel pour le recrutement ; elles constituent le point de départ d’une démarche de transformation soutenue par la mise en place d’une nouvelle culture d’entreprise.

« Nous sommes ce que nous répétons chaque jour » disait Aristote.

 

En définitive

L’entreprise, témoin des grandes évolutions et de la mutation des valeurs actuelles, sait plus que jamais qu’elle peut disparaître faute d’avoir su s’adapter. Le leader de demain sera celui qui saura réconcilier les valeurs de l’entreprise avec les risques et les opportunités de demain.

Il faut urgemment réenchanter les valeurs pour réinventer la création de valeur.

A nous d’agir. Pour ne pas subir.

Article publié par Sabine DRUJON le 29 novembre 2016 sur LinkedIn.