« La Quatrième Révolution Industrielle a le pouvoir de robotiser l’humanité et d’ébranler ce qui a été traditionnellement pour nous porteur de sens : travail, communauté, famille, identité. Ou bien, au contraire, nous pouvons y trouver l’occasion de faire accéder l’humanité à une nouvelle conscience collective et morale basée sur le sentiment d’un destin commun. C’est à nous qu’il revient de faire en sorte que cette deuxième hypothèse soit la bonne » nous avise Klaus Schwab Président du World Economic Forum.

L’histoire extraordinaire qui suit retrace ainsi le passage progressif d’un dirigeant brillant à un leader éclairé.

Dirigeant intelligent et visionnaire, Bill Gates, tout timide en sortant de Harvard sans diplôme, se révèle un homme d’affaire déterminé évinçant toute concurrence sur son marché. Pourtant en mai 1998, suite à une action en justice pour abus présumé de position dominante, Microsoft se trouve confrontée à une menace sans précédent. Malheureux dans ses déclarations et son attitude, Bill Gates, retourne alors l’opinion publique contre lui. Il prend, début 2000, des décisions qui vont changer le cours de sa vie. Il démissionne de son poste de directeur général afin qu’une autre personne représente Microsoft aux yeux du monde et crée la même année la fondation Bill & Melinda Gates afin de se consacrer au bien commun.

Au-delà d’incarner solidarité et honnêteté, en consacrant son intelligence au service de l’humanité, Bill Gates s’est ouvert à d’autres horizons. Il a ôté le filtre de l’entrepreneur obsédé par la compétition, qui pouvait entraver certaines de ses perceptions, pour appréhender le monde de façon globale, polymorphe et polychrome.

 

Le capitalisme conscient n’est pas un oxymore

Gérald Karsenti, Président de HPE France, indiquait le 9 octobre 2014, dans un discours au cercle du Leadership :

« La mesure de la performance d’une firme ne sera plus seulement basée sur les simples critères de rentabilité financière ou de perspective économique. Elle revêtira de multiples facettes qui donneront de l’entreprise moderne une vision plus complète. L’impact sociétal sera jaugé et la valorisation de nos entreprises tiendra compte de leur action globale ».

Adieu la relation hostile « je gagne, tu perds », bonjour l’approche bienveillante édifiée sur la conviction qu’aider les autres, c’est à terme s’aider soi-même.

Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, rappelle par ailleurs souvent à son personnel que la plateforme de réseaux sociaux a le pouvoir de faire changer les choses dans le monde. En 2012, plus de 100.000 utilisateurs se sont inscrits sur les listes de don d’organes, grâce à une nouvelle fonctionnalité du site qui rendait cette inscription très facile.

Un réseau croissant de personnes composé de dirigeants de sociétés comme Starbucks, Trader Joe, Patagonia et Whole Market construisent leurs entreprises avec l’idée que « faire des affaires » doit avoir un objectif bien plus élevé que de seulement faire du profit.

A cet effet, le mouvement du « Conscious Capitalism » qui se développe aux Etats-Unis s’appuie sur quatre piliers :

  • Un but supérieur qui répond à notre besoin de sens profond, une vision porteuse de sens,
  • Une optimisation de la valeur pour toutes les parties prenantes,
  • Un leadership en conscience privilégiant le « nous », plutôt que le « moi »,
  • Une culture de valeurs, principes et pratiques privilégiant la confiance, l’authenticité et la transparence.

Comme l’explique Emmanuel Faber, patron de Danone :

« Le pouvoir n’a de sens que dans un esprit de service. Et comment trouver la manière de servir cette ambition ? Cette ambition qui vous fera devenir qui vous êtes vraiment ».

 

Passer du dirigeant brillant au leader éclairé

Nombreux sont les leaders qui se découvrent, de manière inespérée, de nouvelles perspectives de pensée après avoir entendu un discours qui les a fait vibrer, lu un livre qui les a émus ou écouté quelqu’un raconter une expérience intime qui les a touchés. Suffisamment humbles pour laisser les circonstances extérieures influencer leur esprit, ils ont développé une souplesse mentale qui leur permet de réinterpréter sans cesse les évènements et d’y trouver un sens nouveau dans un contexte en constante évolution.

Si les dirigeants brillants pêchent souvent par une tendance au nombrilisme, c’est parce qu’ils veulent se sentir en sécurité ou devenir riches et célèbres. Les leaders éclairés, eux, sont altruistes : leur motivation est avant tout focalisée sur le service aux autres.

Le monde des affaires a besoin de dirigeants brillants mais aussi et surtout de leaders éclairés, capables de sortir de leur zone de confort pour se mettre au service d’une cause allant au-delà de leurs intérêts personnels. Ni trop prudents, ni trop téméraires, ils replacent les choses dans un contexte plus large avant de passer à l’action. Ils savent combiner des concepts de domaines différents sans relation apparente les uns avec les autres et sont ouverts aux idées leur permettant d’élargir leurs horizons et donner du sens à la vie.

Enfin, les leaders éclairés s’inquiètent de garder un esprit ouvert à l’heure de prendre des décisions. Ils écoutent les membres de leur entourage, même lorsque ces derniers remettent en question leurs présupposés et leurs décisions. Ils considèrent que ce processus décisionnel inclusif, connu sous le nom de maïeutique dans la philosophie socratique, crée une tension créatrice pouvant déboucher sur des décisions plus pertinentes.

Une telle ouverture d’esprit présente trois avantages pour les dirigeants : ils deviennent capables d’accepter et d’accueillir le changement sans porter de jugement ; ils peuvent avoir une vision d’ensemble et établir des relations entre des éléments apparemment sans lien, ce qui permet, dans un monde en pleine mutation, de saisir des occasions inespérées ou insoupçonnées.

Devenir un leader éclairé, c’est aussi permettre aux autres de trouver leur chemin. La quête de sens et l’éveil des consciences deviennent une dominante essentielle du management et du leadership.

Le leader éclairé, au travers des valeurs qui l’illuminent, redonne du sens au travail et une vision éclairante du monde qui nous entoure.

N’oublions jamais cependant, au risque de perdre notre crédibilité, d’agir selon l’expression sanskrite « trikarana suddhi » (intégrité) qui fait référence à une parfaite correspondance entre nos paroles, nos actions, nos pensées et nos sentiments car nous sommes ce que nous faisons ! et pour ceux qui vous écoutent, chaque mot est une promesse.

 

En définitive

La Quatrième Révolution Industrielle « ne change pas seulement ce que nous faisons mais qui nous sommes ».

Elle appelle à un renouveau culturel, construit sur des valeurs, des principes éthiques, un leadership en conscience et une vision porteuse de sens, destinés à forger un avenir plus favorable pour l’ensemble des parties prenantes.

« Il n’y a que vos mains, mes mains, nos mains à tous pour changer les choses, les rendre meilleures. Et vous avez beaucoup à faire en l’occurrence ». Emmanel Faber.

Article publié par Sabine DRUJON Président de la société VALUES & SENSE le 24 janvier 2017